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Spécialement pour Le Défi, le réalisateur Klim Chipenko (il a également endossé le rôle de caméraman et d’éclairagiste) et l’actrice Ioulia Peressild (qui s’est aussi improvisée maquilleuse) ont passé près de deux semaines à bord de la Station spatiale internationale, où ils ont joué les scènes clés du scénario. Dans l’histoire, une simple femme chirurgien sans réelle formation doit se rendre à l’ISS pour sauver la vie de l’un des cosmonautes.
Était-il vraiment nécessaire d’aller aussi loin ? Des films sur l’espace avaient bien déjà été produits sur Terre. Et de bons films qui plus est.
Tous les réalisateurs vous diront qu’il est extrêmement difficile de reproduire l’apesanteur dans des conditions de gravité. Toutefois, bien sûr, c’est possible. Un précédent intéressant est le classique soviétique de science-fiction À travers les ronces vers les étoiles (1980), qui a connu un grand succès. L’une des scènes spatiales a été filmée dans une piscine remplie d’eau, et les rôles des cosmonautes ont été interprétés par des plongeurs en costumes futuristes. Le principal inconvénient de cette méthode réside dans les inévitables bulles d’air émises par le plongeur. Néanmoins, là encore, une solution a été trouvée : les acteurs ont été filmés à l’envers, les bulles alors « descendaient » et n’étaient plus aussi visibles.
Bien entendu, les cinéastes font souvent appel non pas à des plongeurs, mais à de véritables cosmonautes. Ils utilisent un avion spécial pour s’entraîner à l’apesanteur. Le fonctionnement est le suivant : le pilote pointe d’abord brusquement vers le haut, puis redescend tout aussi brusquement, et un état d’apesanteur se produit à bord. Toutefois, cela ne dure que 25 à 30 secondes, pas plus. Ainsi, pour filmer quatre heures d’images, les réalisateurs d’Apollo 13 (1995) ont dû effectuer 612 « paraboles » de ce type.
Une version moins coûteuse, mais non moins compliquée, consiste à suspendre les comédiens à l’aide d’un système complexe de câbles et de poulies, qui sont ensuite effacés durant la post-production. C’est également de cette manière qu’a été filmé le célèbre Gravity (2013).
Bien sûr, il est extrêmement difficile d’obtenir une illusion complète de cette manière – il faut beaucoup d’entraînement avant qu’un acteur trouve le bon équilibre et soit à l’aise. Quoi qu’il en soit, quels que soient les efforts déployés, il est impossible d’obtenir une liberté totale de l’acteur dans le cadre – les cosmonautes de cinéma, en règle générale, après avoir effectué quelques sauts, trouvent un point d’appui et s’immobilisent.
Les lois de la physique limitent considérablement l’angle de prise de vue – les caméramans n’ont pas beaucoup d’options pour filmer un acteur suspendu à des câbles. De face, c’est possible, mais d’en haut ou de côté, c’est un problème. Le montage à l’image, c’est-à-dire le changement consécutif d’angle sans montage, est particulièrement difficile dans ce type de scènes. Avant Le Défi, seul Cuarón avait pu le faire dans Gravity.
Pour les créateurs du Défi, toutes ces restrictions appartiennent au passé. Le tournage de l’ISS s’est déroulé en 12 prises, pour un total de matériel filmé de 78 heures et 21 minutes. Le film final dure plus d’une heure et nous voyons Ioulia Peressild sous les angles les plus inimaginables, y compris lorsqu’elle vole au gré de la station orbitale sans aucune adhérence. Non seulement elle, mais le caméraman lui-même se déplace en lévitation libre. Cette chorégraphie, cet effet de présence ne nous ont probablement jamais été offerts par aucun autre film spatial.
Et tout cela, sans que Le Défi n’ait coûté beaucoup plus cher que les films « habituels » sur l’apesanteur. Le budget annoncé est inférieur à un milliard de roubles (environ 11,2 millions d’euros).
Les cheveux rebelles, même à l’ère de la virtuosité des images de synthèse, posent eux aussi un énorme problème. Même le perfectionniste Christopher Nolan a eu des soucis avec eux. L’une des rares bizarreries techniques de son film Inception est visible dans la scène de gravité zéro – le personnage de Joseph Gordon-Levitt se déplace sur les murs de façon plus spectaculaire que Spider-Man, mais ses cheveux sont disposés comme si de rien n’était.
Cependant, cela ne choque pas, car il avait une coupe très courte et élégamment graissée. Dessiner de manière réaliste des cheveux longs flottant en apesanteur est une tâche qui prend plus de temps. C’est pourquoi les femmes cosmonautes dans les films ont généralement leurs cheveux coupés à la garçonne ou tirés en arrière en chignon serré.
Dans Le Défi, ce problème a été résolu par l’espace lui-même. Aucun effet visuel n’est nécessaire – les cheveux de Peressild ont une vie propre et créent un effet de crédibilité stupéfiant.
Curieusement, un autre problème traditionnel de l’espace s’est aussi résolu de lui-même. Une chevelure « rebelle » qui se dresse, c’est comique ! Or, la grande majorité des films sur l’espace sont dramatiques, et un gag inutile peut facilement tuer le suspense. Dans Le Défi, la coiffure spatiale de Ioulia Peressild est si organique et l’on s’y habitue si vite qu’il n’y a pas de dissonance avec le genre. Au contraire, le sentiment d’authenticité ne fait qu’accroître la tension.
Le Défi prouve que nous nous faisons une fausse idée de l’espace. Nous sommes déjà habitués aux vues de l’ISS, que ce soit dans les journaux télévisés ou dans les documentaires. Cependant, il s’avère que, filmée avec une caméra RED professionnelle par un caméraman professionnel – Chipenko a étudié à l’école de cinéma de Californie et a appris ce métier en même temps que la mise en scène – la station a un aspect quelque peu différent. Certes, elle est fantastique et incroyablement belle, mais pas aussi hi-tech et futuriste que ce que nous avons l’habitude de voir. Par contre, elle n’est pas non plus aussi esquintée que dans des films comme Armageddon.
Il s’avère également que nous n’avons aucune idée de ce que sont réellement la couleur et la lumière dans l’espace. Chipenko a utilisé trois panneaux d’éclairage LED en orbite, mais la lumière venant des hublots, en constante évolution, a fait ses ajustements, éclairant le visage de Peressild d’abord en rouge, puis en bleu, puis en vert. De telles « erreurs » esthétiques ne peuvent être planifiées sur Terre.
Aujourd’hui, à l’heure où l’on peut tout dessiner sur ordinateur, le monde du cinéma spectaculaire revient curieusement aux effets spéciaux réels. L’exemple le plus flagrant est le prochain film de Christopher Nolan, Oppenheimer, où même une explosion nucléaire est simulée sans l’aide de graphiques. Le Défi s’inscrit parfaitement dans cette tendance : l’aspect authentique de l’œuvre est bien plus efficace que celui généré par ordinateur. Les effets spéciaux artificiels, bien sûr, sont également présents dans le film, en particulier la scène de la sortie extravéhiculaire dans l’espace ouvert. Les auteurs espéraient manifestement la tourner en direct. Néanmoins, apparemment, ce sera pour une prochaine fois.
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