La tradition de fêter Noël chez soi, avec un sapin et des cadeaux, est apparue à la cour russe sous le règne de Nicolas Ier, grâce à sa femme, la princesse Charlotte de Prusse (ayant pris le nom d’Alexandra Fiodorovna). Ces réveillons en famille rappelaient à la jeune femme son pays natal. La fête était organisée à Noël, tout de suite après la messe de minuit, dans la Salle des concerts ou la Rotonde du palais d’Hiver. Chaque membre de la famille avait son propre sapin qui était dressé à côté d’une table recouverte d’une nappe blanche et pleine de cadeaux.
« Nous étions d’abord rassemblés dans les chambres de l’impératrice, écrivait la dame d’honneur, la baronne Maria Fredericks. Derrière les portes fermées […] se pressaient et se bousculaient tous les enfants, y compris ceux du tsar, chacun étant impatient d’entrer le premier dans la salle. Sa Majesté faisait encore une fois le tour des tables, alors que nos cœurs battaient la chamade de joie et de curiosité. Tout à coup, une clochette sonnait, les portes s’ouvraient et on s’élançait dans un vacarme assourdissant dans la salle noyée sous la lumière de plusieurs milliers de bougies. L’impératrice prenait chacun par la main et le conduisait à la table où était déposé son cadeau ».
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Les fêtes avec des sapins de Noël ont continué à être organisées après la mort de Nicolas Ier. Seul le lieu changeait : sous Alexandre II, c’était le plus souvent le Salon d’or du palais d’Hiver, son fils Alexandre III préférait le palais de Gatchina où les sapins étaient disposés dans le salon Jaune ou le salon Pourpre, tandis que Nicolas II fêtait Noël au palais Alexandre, à Tsarskoïe Selo (qui fait partie aujourd’hui de Saint-Pétersbourg). Les sapins étaient ornés de bougies allumées, ainsi que de fruits et de jouets plaqués or et argent.
Aquarelle de la Grande duchesse Olga Alexandrovna
Les ballotins de Noël pour les fêtes au palais étaient livrés par les confiseurs de Saint-Pétersbourg. Toutefois, leur contenu serait bien incapable d’étonner les enfants d’aujourd’hui : ainsi en 1880, un ballotin contenait deux pochettes surprise, deux mandarines et deux pommes. Les grands-ducs avaient encore droit à une boîte de pruneaux et l’empereur Alexandre II à une caisse d’abricots. Toutefois, les cadeaux principaux étaient ceux que les membres de la famille impériale s’offraient les uns aux autres. Les parents essayaient d’encourager les enfants à développer leurs talents. Ainsi, le benjamin de la famille de Nicolas Ier, le grand-duc Mikhaïl, s’est vu offrir un violoncelle, cet instrument dont il rêvait de jouer. Sa sœur Olga a reçu « un magnifique piano Wirth » en 1843.
La palme du cadeau le plus extravagant est décrochée par un Smith&Wesson 38 avec un étui et une centaine de balles. Ce revolver a été offert à Alexandre III par l’impératrice Maria Fiodorovna. Il faut dire que le pays traversait une époque trouble : en décembre 1881, à peine neuf mois s’étaient écoulés depuis le meurtre d’Alexandre II en plein centre de Saint-Pétersbourg.
Aquarelle de la Grande duchesse Olga Alexandrovna
Le cadeau de Noël le plus original a été offert à la grande-duchesse Alexandra Nikolaïevna en 1843. Quand elle est entrée dans la Salle des concerts du palais d’Hiver, elle a découvert attaché au sapin… Frédéric Guillaume de Hesse-Cassel, l’homme auquel elle était fiancée depuis six mois et qu’elle devait épouser en janvier. Le prince était arrivé à Saint-Pétersbourg la veille, mais dans le plus grand secret.
Les Romanov n’oubliaient pas non plus leurs sujets : Nicolas Ier préparait une tombola pour les dames d’honneur, les précepteurs, les bonnes, les valets et les autres personnels du palais. Chacun tirait au sort une carte qui correspondait à un cadeau remis par l’impératrice : une vase, une lampe ou un coffret de vaisselle en porcelaine. En 1866, la famille impériale a organisé pour la première fois une fête de Noël pour cent enfants de familles démunies au palais Anitchkov. Chacun a reçu en cadeau un manteau, une paire de chaussures, des vêtements chauds, du linge ou une robe. Après le dîner, l’héritier du trône (le futur Alexandre III) a ordonné de faire tomber le sapin afin que les enfants puissent choisir eux-mêmes le jouet qui leur plaise. À partir de cette année, les fêtes pour les enfants pauvres sont devenues annuelles et les « fonctions de représentation » de la famille impériale sont allées en s’accroissant.
Aquarelle de la Grande duchesse Olga Alexandrovna
Ainsi, en 1907, Nicolas II s’est rendu à six fêtes de Noël rien qu’à Tsarskoïe Selo, dans plusieurs hôpitaux, une école de bonnes et des casernes. Le chef de la garde impériale, Alexandre Spiridovitch, se rappelle :
« Une énorme estrade a été installée au milieu du manège. Elle était surmontée d’un sapin qui touchait le plafond et qui était décoré de milliers d’ampoules électriques. […] À deux heures pile, nous avons vu arriver l’empereur avec ses enfants et la grande-duchesse Olga Alexandrovna. […] Les militaires venaient tour à tour à la table chargée de cadeaux et tiraient au sort des bouts de papier avec des numéros. Les grandes-duchesses, l’héritier du trône et les officiers trouvaient le cadeau correspondant au numéro et l’apportaient à Olga Alexandrovna qui le remettait au gagnant. […] Cette distribution de cadeaux amusait grandement le fils du tsar qui était était particulièrement heureux quand quelqu’un gagnait un réveil. Les officiers remontaient le réveil qui se mettait à sonner, à la grande joie du prince héritier ».
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