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« Cinq d'entre nous, frères orphelins, l'un plus petit que l'autre, ont été laissés entre les mains de notre pauvre mère, qui n'avait rien au monde. Je me souviens vaguement de ma petite enfance, privée des jeux et plaisirs habituels de l'enfant, gâchée par le besoin horrible et la pauvreté que notre famille a dû endurer, jusqu'à ce que les garçons grandissent suffisamment pour gagner leur vie », a écrit dans ses mémoires Nestor Makhno, le plus célèbre anarchiste de l'époque de la Révolution et de la guerre civile survenues au début du XXe siècle en Russie. De cette pauvreté et ce désespoir épouvantables est né un leader qui a brisé le monopole des principales forces politiques apparues à l'époque, qui combattaient dans une âpre lutte pour le pouvoir - les Rouges (révolutionnaires) et les Blancs (loyalistes).
Makhno est devenu le représentant et, parfois, le chef de file de la troisième force de la révolution russe (bien qu'elle se soit principalement manifestée sur le territoire de l'Ukraine contemporaine) - le mouvement paysan, qui est intervenu avec force lors de la dernière phase de la guerre civile. Les bolcheviks victorieux l'ont écrasé, mais ils ont dû faire des concessions aux paysans.
Quoi qu’il en soit, Makhno n’a pas toujours été l’opposant des bolcheviks. Ils avaient beaucoup de choses en commun en termes d'idéologie, car Makhno soutenait les idées anarcho-communistes. Il a fait des alliances avec les rouges à plusieurs reprises, créant un front commun pour combattre les blancs.
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Makhno et des dizaines de milliers de combattants anarchistes paysans sous son commandement ont contribué à la défaite des partisans de l'ancien régime. Il était également habile dans la lutte contre les bolcheviks. Considéré comme l'un des meilleurs praticiens de la tactique de guérilla, ses régiments massifs s’évaporaient juste après les batailles pour refaire surface à l'endroit où on les attendait le moins et porter un coup fatal.
Makhno a essayé de matérialiser ses idéaux politiques anarchistes - les « soviets libres », des conseils autonomes détenant la plupart du pouvoir. Cependant, « les Soviets libres de Makhno n’auraient pu exister qu'avec une autorité faible... Quel qu’eût été le vainqueur, les Rouges ou les Blancs, un État centralisé fort aurait émergé de toute façon », fait valoir l'historien Vassili Tsvetkov. Makhno a émigré et terminé ses jours en France au milieu des années 1930.
Piotr Kropotkine, parfois qualifié de père de l’anarchisme russe, a passé une jeunesse aux antipodes de celle de Makhno. Né dans une famille aristocratique de propriétaires terriens, il possédait le titre de prince. Il a servi comme aide de l'empereur Alexandre II et a été reconnu comme un scientifique accompli, exerçant comme géographe. Pourtant, sa vie a connu un tournant quand il a embrassé la révolution.
Il s'est impliqué dans l’activité révolutionnaire qui a balayé la Russie dans la seconde partie du XIXe siècle, a été emprisonné mais a réussi à s'échapper et a vécu à l'étranger en développant les principes de sa théorie anarchiste. En 1910, il a donné la définition suivante de l'anarchisme pour l'encyclopédie Britannica : c'est « le nom donné à un principe ou une théorie de la vie et de la conduite selon laquelle la société est conçue sans gouvernement - l'harmonie dans une telle société étant obtenue non par soumission à la loi ou par obéissance à une autorité, mais par des accords libres conclus entre les différents groupes... »
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En même temps, il rompit avec les bolcheviks après la révolution de 1917, bien que ces derniers voulussent utiliser son nom et son expertise. « Je ne peux me réconcilier avec aucun gouvernement », disait-il.
Comme Kropotkine, Mikhaïl Bakounine était un anarchiste au passé aristocratique. Il est né en 1814 dans la famille de nobles héréditaires. Comme Kropotkine également, il a servi dans l'armée, en tant qu'officier d'artillerie, mais s'en est vite lassé et a quitté la carrière militaire.
À partir du milieu des années 1830, Bakounine s'est plongé dans l'étude de la philosophie contemporaine, principalement les écrits de Hegel. Bakounine a qualifié plus tard l'enseignement de Hegel d’« algèbre de la révolution ». Pour approfondir sa maîtrise de la philosophie hégélienne, Bakounine est allé à Berlin.
Il a participé aux événements de la révolution de 1848-1849 en Europe, s’impliquant dans le soulèvement de Dresde. Son frère d’armes était alors le compositeur Richard Wagner. « À Dresde, la bataille dans les rues a duré quatre jours… Presque tous les rebelles étaient des travailleurs des usines environnantes. Dans le réfugié russe Mikhaïl Bakounine, ils ont trouvé un chef expérimenté et à la tête froide », a écrit Karl Marx au sujet des événements, Marx ayant eu de vifs débats avec Bakounine par la suite lors de la première Internationale. Pour cela, ainsi que pour ses tentatives antérieures d'unir les nations slaves afin de combattre la domination autrichienne dans l'empire des Habsbourg, il a été condamné à mort à deux reprises - à la fois en Saxe et en Autriche - mais dans les deux cas, la peine a été commuée en réclusion à perpétuité. Le révolutionnaire a finalement été extradé vers la Russie.
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Là, il a de nouveau été emprisonné et a passé plusieurs années derrière les barreaux avant d'être exilé en Sibérie. Dans les geôles autrichiennes, il avait été enchaîné par les mains et les pieds, tandis que dans la prison russe il a perdu de nombreuses dents. Au début des années 1860, il quitte la Russie pour la deuxième fois afin d’organiser une révolution de l'étranger. En 1863, il soutient le soulèvement des Polonais contre l’Empire russe, mais la tentative est rapidement écrasée. Il déménage en Italie où il rencontre Garibaldi et crée la Fraternité internationale, une organisation secrète de révolutionnaires qui avait des cellules dans de nombreux pays européens.
C’est en Italie qu’il a élaboré son enseignement anarchiste. Ses arguments étaient dirigés contre l'État : « S'il y a un État, il doit y avoir domination d'une classe par une autre et, par conséquent, esclavage ; l'État sans esclavage est impensable - et c'est pourquoi nous sommes les ennemis de l'État ». Dans cet esprit, il n'était pas d'accord avec les marxistes. Il a déclaré que « lorsque les gens se font frapper avec un bâton, ils ne sont pas beaucoup plus heureux si on l'appelle "bâton du peuple" », le terme « bâton » faisant référence à l'État. « En s'efforçant de faire l'impossible, l'homme a toujours réalisé ce qui était possible », stipule l'une des citations de Bakounine sur sa pierre tombale dans un cimetière de Berne.
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