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Au début des années 1930, un groupe de reconnaissance soviétique opérait en Europe, en Asie et aux États-Unis. Ses membres l’appelaient « groupe de l'oncle Iacha ». Il était redouté dans de nombreuses régions à cause de ses nombreuses opérations de grande envergure : de l'enlèvement d’un général tsariste à des destructions de navires à l’explosif. Dans les archives des services spéciaux, les données exactes sur les missions du groupe sont toujours classées, mais le point principal est la participation personnelle de son chef, Iakov Serebrianski. Cette personnalité, déjà légendaire à son époque, fascine près de cent ans plus tard autant que n'importe quel James Bond. À ceci près que l'oncle Iacha a bel et bien existé.
Iakov Serebrianski
ArchivesLe petit garçon juif Iacha Serebrianski est né en 1891 à Minsk. Comme beaucoup de juifs, qui étaient privés de presque tous les droits dans l'Empire russe, il a rejoint les révolutionnaires et s’est retrouvé dans une prison tsariste pour avoir conservé une « correspondance au contenu illégal ».
Après sa libération, il a combattu pendant la Première Guerre mondiale et a été grièvement blessé, puis s'est engagé dans le mouvement révolutionnaire dans le Caucase du Nord. Pendant la guerre civile russe, il s'est retrouvé en Perse. À ce moment-là, les bolcheviks réalisaient une mission dans ce pays : restituer les navires emportés par les gardes blancs. Les rebelles locaux formulaient eux aussi des exigences - c'est ainsi que la « République soviétique du Guilan » est apparue en Perse. En savoir plus sur cet épisode de l'histoire ici.
La signature du traité d'amitié russo-perse le 26 février 1921
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En Perse, Serebrianski rejoint les bolcheviks et se voit confier les activités de reconnaissance dans le nouveau « département spécial » de l'Armée rouge. Cependant, Moscou et Téhéran ont bientôt conclu un armistice, et la république a été dissoute : l'armée est rentrée chez elle, et avec elle Serebrianski.
Arrivé à Moscou, Serebrianski a rejoint les rangs des tchékistes (police politique), mais n'est pas resté longtemps au pays - en 1923, il s’est rendu en Palestine, où le gouvernement soviétique avait placé des officiers du renseignement infiltrés. La tâche principale était de découvrir les plans des Britanniques dans cette région, ainsi que de comprendre l’état d’esprit local.
Dans cette mission, le tchékiste soviétique a été incroyablement aidé par ses origines juives. Sous les traits d’un véritable sioniste militant pour la formation d'un État juif, il a recruté de nombreux émigrants russes et a créé tout un réseau d'agents, d'abord en Palestine, puis parmi les sionistes dans d'autres pays.
Passeport de Serebrianski aux États-Unis
ArchivesSerebrianski connaissait le français, l'anglais et l'hébreu, raison pour laquelle son service l’a emmené en Belgique, en France, en Chine, au Japon et aux États-Unis. Il a formé un groupe spécial qui n'était pas engagé dans le renseignement proprement dit, mais dans le sabotage à l'étranger. Serebrianski a personnellement recruté plus de 200 agents, dont beaucoup sont ensuite devenus eux-mêmes des légendes du renseignement.
L'une des opérations les plus célèbres du « groupe de l'oncle Iacha » est l'enlèvement du général blanc Alexander Koutepov. En 1928-30, il était le président de l'Union générale des combattants russes, une organisation de combat créée en France. Les tchékistes possédaient des informations selon lesquelles l'union préparait des attentats terroristes en Russie soviétique. Mission avait été fixée de neutraliser leur chef et de l’envoyer en URSS.
Alexander Koutepov
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En 1930, les employés de Serebrianski ont enlevé Koutepov en plein centre de Paris et ont essayé de le pousser dans une voiture. Cependant, le vaillant général a réussi à riposter. Il a été poignardé dans le dos par un communiste français recruté déguisé en policier. Le général en est mort.
Pendant la guerre civile espagnole, Serebrianski a mené des opérations d'une incroyable complexité, pour lesquelles il a reçu l'une des principales récompenses soviétiques - l'Ordre de Lénine. Il a acheté des armes et les a expédiées aux républicains espagnols, qui étaient soutenus par les Soviétiques. L'une des opérations les plus impressionnantes a été la livraison de 12 avions militaires, que Serebrianski a pu livrer sous couvert d'essais en vol aux adversaires du général Franco.
À gauche - Léon Trotski, à droite - son fils Lev Sedov
Domaine publicEn 1936, une autre opération très médiatisée a lieu à Paris. Serebrianski a infiltré un de ses agents dans l'entourage de Lev Sedov, le fils du principal ennemi de Staline, Léon Trotski. Les services spéciaux savaient qu'après avoir quitté le pays, le rival de Staline dans les luttes internes du parti et grande figure de la révolution russe avait emporté de nombreuses archives. Elles contenaient la correspondance de Trotski avec Lénine, qui mentionnait notamment Staline, ainsi que d'autres documents importants, dont le tyran souhaitait personnellement la destruction. Sous la direction de Serebrianski, l'agent a pu voler et envoyer une partie de ces immenses archives à Moscou.
La tâche suivante était de kidnapper Lev Sedov lui-même, qui préparait le Congrès de l'Internationale - le gouvernement soviétique craignait qu'il ne cherche à organiser un sabotage ou même à prendre le pouvoir. Le plan d'enlèvement était déjà élaboré, mais le fils de Trotski est décédé subitement.
« On pense que mon père travaillait si proprement qu’encore récemment, tant dans notre pays qu'à l'étranger, il n'y avait pratiquement aucune information exacte à son sujet », explique Nikolaï Dolgopolov, citant le fils de l’officier du renseignement, Anatoli, dans son livre Espions de légende.
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Même le fils de Serebrianski, Anatoli, ne sait pas précisément en quoi consistaient les missions de son père, par exemple en Chine ou aux États-Unis : « Il y a tellement de légendes sur le travail de mon père aux États-Unis… Par exemple ceci. Lorsque Serebrianski était aux États-Unis, le renseignement l’aurait retrouvé. Mais le président aurait ordonné de ne pas l'emprisonner, mais de l'expulser pour ne pas gâcher les relations avec la Russie soviétique. Anatoli considère par exemple ce mythe comme peu vraisemblable. Si l'Amérique avait alors su que Serebrianski était un officier du renseignement soviétique, il n'aurait pas été libéré jusqu'à présent ».
Iakov Serebrianski et son fils
Archives personnellesMais il y a aussi des choses dont il est sûr. En 1932, Serebrianski était censé subir une opération de l’appendicite aux États-Unis. Il a persuadé le médecin de lui faire une anesthésie locale, afin de ne pas perdre le contrôle et de ne pas se trahir en parlant russe lors de la prise de conscience qu’aurait impliquée une anesthésie générale. Cependant, les médecins se sont trompés et ont réalisé une anesthésie générale ; les infirmières ont raconté que Serebrianski serrait la mâchoire si fort qu'elles craignaient qu'il avale sa langue. « Si mon père avait parlé dans une langue autre que l'anglais, la légende aurait pris fin. Mais même dans un tel état, il a réussi à faire face », a déclaré Anatoli.
Pour ses activités de renseignement, Serebrianski a reçu à plusieurs reprises divers récompenses de l'URSS. Il était l'un des rares officiers du renseignement à avoir reçu deux fois la plus haute distinction - l'insigne du « travailleur honoraire du Tchéka-GPOu » (communément appelé « tchékiste honoraire »).
Iakov Serebrianski en 1941
ArchivesCependant, au plus fort de la grande terreur stalinienne, en 1938, Serebrianski fut rappelé à Moscou et emmené directement de l'avion en prison. Il fut torturé en raison de faux témoignages et condamné à mort pour espionnage en faveur de la Grande-Bretagne et de la France, ainsi que pour avoir préparé des attentats terroristes en URSS. Le verdict, cependant, n'a pas été exécuté - la Seconde Guerre mondiale avait éclaté, des hommes tels que Serebrianski étaient de nouveau nécessaires à la patrie. Il a été amnistié et réintégré dans ses fonctions.
Tout au long de la guerre, Serebrianski a mené des sabotages dans toute l'Europe. Mais en 1953, après la mort de Staline, il a été de nouveau arrêté... et sa peine restituée, remplacée toutefois par 25 ans de prison. Trois ans plus tard, l’espion de 65 ans est mort d'une crise cardiaque lors d'un interrogatoire.
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