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L'impératrice Alexandra Fiodorovna avec Raspoutine, ses enfants et la gouvernante Maria Vichniakova
Archives d'État de la Fédération de Russie/Domaine public« Ra-ra-rasputin lover of the Russian queen », s’exclamait Boney M. dans la chanson la plus populaire au monde sur le confesseur impérial Grigori Raspoutine. Les rumeurs selon lesquelles ce dernier était l'amant de l'impératrice Alexandra Fiodorovna ont activement circulé de son vivant, à partir du début de l'année 1912. Des caricatures pornographiques, des histoires et des poèmes sur le sujet étaient diffusés dans les différentes couches de la société à Saint-Pétersbourg. Cette prétendue romance est devenue le principal mythe sur Raspoutine.
Raspoutine aimait vraiment se vanter de son influence sur la famille impériale, ce qui a donné lieu à diverses interprétations. Cependant, la rumeur d'une relation sexuelle avec l'impératrice n'a aucun fondement. Pendant longtemps, une lettre prétendument personnelle d'Alexandra Fiodorovna à son conseiller spirituel a été utilisée comme argument : « Comme c'est ennuyeux pour moi sans toi. Je ne suis tranquille que lorsque, professeur, tu es assis à côté de moi, que je te baise les mains et que ma tête s'incline sur tes épaules bénies... », peut-on lire dans un courrier publié par le hiéromoine Iliodor (Sergueï Troufanov) dans son livre dénigrant Raspoutine. Néanmoins, même si cette lettre était authentique, il n'y a toujours pas de cas avérés de situations où Raspoutine et l'impératrice auraient été seuls (leur routine quotidienne dans le palais était publique).
Il n'y a aucune autre base valable pour cette rumeur. Les journaux intimes et la correspondance de la famille du tsar ne contiennent pas la moindre allusion à une relation intime entre Raspoutine et l'impératrice. Même la Commission d'enquête extraordinaire du gouvernement provisoire (créée en 1917 juste après la révolution de février pour enquêter sur les crimes du régime tsariste) s'est intéressée à leur relation, mais les enquêteurs n'ont trouvé aucune preuve non plus. Il est possible que la lettre susmentionnée ait donc été simplement inventée.
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Grigori Raspoutine, le major général Poutiatine et le colonel Loman
Karl Bulla/Domaine publicUne autre accusation a été formulée à de nombreuses reprises, y compris par des membres de la Douma (Assemblée) d'État : Raspoutine aurait fortement influencé le tsar Nicolas II et les politiques qu'il a menées. Cela est mentionné dans de nombreux livres et mémoires. Cependant, ce n'est pas aussi simple que cela.
Dans des lettres personnelles, la tsarine écrivait sans cesse à Nicolas II ce que Raspoutine pensait de la guerre, des nominations et d'autres décisions politiques. Dans cette correspondance, elle l'appelait « notre ami », suivi des conseils de Raspoutine. L'influence de ce dernier s'est activement accrue après 1905, lorsque la première révolution a eu lieu et que le pouvoir des Romanov a été menacé, et cela a irrité diverses forces. Cependant, dans quelle mesure les conseils de Raspoutine ont-ils été pris en compte par le tsar ? Apparemment pas très souvent. L'historien Sergueï Oldenbourg a étudié les lettres de la tsarine à Nicolas et a cherché à savoir si le tsar avait suivi les conseils de Raspoutine. Or, l'analyse a montré que sur les questions fondamentales, Nicolas, connu pour sa douceur de cœur, n'était pas toujours d'accord avec « l'ami de la famille ». Cela ne confirme donc pas l'hypothèse selon laquelle l'influence de Raspoutine aurait été si étendue.
Raspoutine et ses admiratrices en 1914
Karl Bulla/Domaine publicLe département de la police a spécifiquement mis en place une surveillance du « moine impérial » et collectait des informations sur le comportement de Raspoutine. Ces documents comprennent des références à des prostituées qu'il fréquentait, ainsi qu’à ses beuveries. Toutefois, les rumeurs selon lesquelles il aurait organisé des orgies directement à la cour avec la participation de dames du cercle restreint de la famille impériale n'ont jamais été confirmées. C'est ce qu'a écrit notamment Vladimir Roudnev, agent de la Commission d'enquête extraordinaire du gouvernement provisoire, après avoir pris connaissance de toutes les preuves en 1917 : « Il apparaît que les aventures amoureuses de Raspoutine ne sortent pas du cadre des orgies nocturnes avec des filles de petite vertu et des chanteuses de chansonnettes, et parfois avec certaines de ses quémandeuses. Quant à sa proximité avec les dames de la haute société, à cet égard, aucun élément positif n'a été obtenu par la surveillance et l'enquête ».
Dans leur témoignage, certaines dames de la haute société ont néanmoins admis avoir eu une relation intime avec Raspoutine, mais ont nié les rumeurs d'orgies.
Toutes ces informations compromettantes ont été portées à l'attention de Nicolas II, mais le souverain a jugé qu'il s'agissait d'une ingérence scandaleuse dans sa vie personnelle, puisque sa famille considérait Raspoutine comme l’un de ses membres ou presque. La tsarine ne croyait quant à elle pas à ces histoires sur la débauche du starets. Elle pensait que c'était un saint homme.
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Lionel Barrymore, incarnant Raspoutine, prend la température de Tad Alexander jouant le rôle du tsarévitch Alexis dans le film Raspoutine et l'Impératrice de Richard Boleslawski (1932)
John Kobal Foundation/Getty ImagesOn parlait autant des guérisons de Raspoutine que de ses orgies. Grâce à sa réputation de guérisseur, il s’est rapproché de la famille Romanov et est rapidement devenu une personne indispensable à la cour. À l'époque, il était clair que la médecine était incapable de guérir l'hémophilie, maladie dont souffrait le fils unique de Nicolas II, Alexis. Toute contusion lui causait une hémorragie interne, qui pouvait durer plusieurs jours et lui faire subir d’insupportables souffrances. Cependant, il existe de nombreux témoignages qui montrent comment, après un contact avec Raspoutine, l'héritier du trône se rétablissait. Le moine était en quelque sorte son médicament.
« Il [Raspoutine] est venu au palais et est allé voir Alexis avec les parents de ce dernier. Selon leurs récits, s’approchant de son lit, il a fait le signe de croix à l’adresse de l'héritier, a dit à ses parents qu'il n'y avait rien de grave et qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter, s'est retourné et est parti. L'hémorragie s'est arrêtée », a témoigné Anna Vyroubova, l'amie la plus proche de l'impératrice.
Toutefois, il existe une autre opinion sur la prétendue capacité de guérison de Raspoutine. Certains le qualifiaient simplement de charlatan ayant réussi à s’insinuer dans la confiance de la tsarine. D'autres, par exemple, le métropolite Veniamine, assuraient que Raspoutine « n'était pas un hypnotiseur ou un charlatan, mais agissait simplement sur les gens par sa force ». Les contemporains ont noté que le starets était en effet très doué pour se montrer convaincant, qu'il avait l'apparence appropriée et un lourd regard « hypnotique ».
Il semble par conséquent que Raspoutine influençait d'une certaine manière la famille impériale et l'héritier, les apaisant par des prières et des discours. On peut néanmoins être sûr que Raspoutine n'a pas débarrassé Alexis de l'hémophilie. Le dernier cas d'aggravation de la maladie est arrivé à l'héritier à Tobolsk en 1918, quelques mois avant sa mort tragique.
De son vivant, il avait la réputation d'être un guérisseur, tandis que l'étiquette de devin lui a été collée après son décès. On lui attribue notamment la prédiction de la révolution, de la mort des Romanov et d’une troisième guerre mondiale.
En discutant des prophéties de Raspoutine, l’on se référait très souvent au carnet de l'impératrice Alexandra Fiodorovna, qui y consignait les pensées de son « mentor spirituel ». Ou à une brochure publiée en 1912 intitulée Pensées pieuses de Raspoutine. Cependant, dans ces deux sources, aucune prédiction n'est réellement faite. La plus célèbre prophétie du « moine impérial », selon laquelle sa mort signifierait la fin de la dynastie Romanov, figure dans le témoignage de sa fille Matrona. « Quand je ne serai plus, la cour ne sera plus non plus », aurait-il prévenu. Cependant, si Raspoutine a dit cela, on peut aussi l'interpréter comme une manipulation, qui l'aurait aidé à rester dans le cercle restreint de la famille Romanov pendant les tentatives de diverses forces pour l'en déloger.
Il convient également de considérer qu'une grande partie de ce que Raspoutine a « prophétisé » ne s'est tout simplement pas réalisé. Par exemple, il a promis une victoire rapide dans la Première Guerre mondiale ainsi que l'accession au trône du tsarévitch Alexis.
Dans cet autre article, nous vous révélions qui était vraiment Raspoutine.
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