Joy, le chien des Romanov qui a survécu à leur exécution

Domaine public
Ce chien se trouvait aux côtés de ses maîtres lors de leur exécution et a fini ses jours entre les mains d’un célèbre sportif.

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La famille du dernier tsar est arrivée dans la tristement célèbre maison Ipatiev, à Ekaterinbourg, accompagnée de trois chiens, tous noirs : le bouledogue français Ortipo, qui appartenait à la grande-duchesse Tatiana, le cavalier king charles spaniel Jammie d’Anastasia et le cocker spaniel Joy d’Alexis.

« J’ai… déchargé mon revolver Nagant sur les condamnés. J’ignore les résultats de mes tirs, car j’ai été contraint de monter sans délais au grenier vers la mitrailleuse. […] Quand je suis arrivé au grenier, j’ai vu les lumières s’allumer à l’institut des Mines, situé de l’autre côté de la rue. Les tirs et le rugissement des chiens de la famille impériale s’entendaient distinctement », témoignait en 1965 le tchékiste Alexeï Kabanov, qui avait pris part à l’exécution de la famille impériale. Lorsqu’il est redescendu, tout le monde était déjà mort, mais « le chien Jack, silencieux, a été épargné ».

Comment Joy a-t-il survécu ?

Le tsarévitch Alexis et son chien Joy

On ne sait pas quand et par qui Joy a été offert au grand-duc. Son nom, signifiant « joie » en anglais, lui a été donné par l‘impératrice Alexandra Feodorovna, la petite fille préférée de la reine Victoria, qui aimait beaucoup les chiens.

Les trois chiens ont accompagné leurs maîtres depuis Tsarskoïé Selo, près de Saint-Pétersbourg, jusqu’à Tobolsk, en Sibérie, puis à Ekaterinbourg, dans l’Oural. Jammie a été tué au sous-sol aux côtés de ses maîtres ; Ortipo, resté dans la maison, a été abattu pour son hurlement trop fort. Joy a cependant survécu.

« La porte menant de l’entrée vers les chambres habitées par la famille impériale était toujours fermée, mais personne ne se trouvait à l’intérieur. C’était évident : aucun son n’y résonnait. Avant, lorsque la famille impériale y logeait, on entendait toujours de la vie dans ces chambres : des voix, des pas. Maintenant, il n’y a plus de vie. Il y avait juste leur chien devant la porte attendant qu’on le laisse entrer dans ces chambres. Je me souviens bien de ce que j’ai pensé à ce moment-là : tu attends pour rien », cite le protocole de l’interrogatoire tenu en 1919 les propos d’Anatoli Iakimov, gardien de la maison Ipatiev. 

Les enfants de Nicolas II et leurs chiens, de gauche à droite : la grande-duchesse Anastasia et Jammie, la grande-duchesse Tatiana et Ortipo, le tsarévitch Alexis et Joy

Le chien a alors été recueilli par l’un des gardiens – Mikhaïl Letiomine. Et c’est ce quadrupède qui permettra ultérieurement à l’armée Blanche, qui aura repris Ekaterinbourg, d’identifier le chapardeur – 79 objets ayant appartenu à la famille impériale lui seront confisqués .

« Les Tchèques [Le corps tchécoslovaque de l’armée russe], en prenant Ekaterinbourg, ont trouvé ce pauvre animal, à moitié affamé, courant dans la cour de la maison Ipatiev. On aurait dit que le chien cherchait sans cesse son maître, et son absence l’attristait tant qu’il touchait à peine à sa nourriture, même quand on essayait de prendre soin de lui.

Je suis allée voir Joy. Et lui, décidément, par sa naïveté de chien, a pensé que ses maîtres réapparaitraient avec moi, il s’est animé. Je n’ai jamais vu un chien aussi agité.

Quand je l’ai appelé, il a directement sauté du wagon et s’est jeté vers moi à travers la plateforme, en sautant et faisant des grands tours autour de moi, et ne s’est pas accroché à moi avec ses pattes avant, mais s’est mis sur ses pattes arrière, comme un chien de cirque. Le général Dieterichs m’a dit qu’il n’avait encore jamais salué quelqu’un de la sorte, et je l’ai associé au fait que je portais les mêmes habits qu’à Tobolsk, et qu’ils avaient sûrement une odeur familière, même si je ne le câlinais pas forcément.

Quand je suis partie, Joy est resté allongé toute une journée devant la porte que j’ai prise. Il a refusé de se nourrir et a replongé dans son désespoir », tels sont les souvenirs de la baronne Sophie von Buxhoeveden, demoiselle d’honneur d’Alexandra Feodorovna.

Joy n’est pas enterré à Windsor, c’est un mythe

Un selfie qu'Alexis a pris avec son chien

Le chien de l’héritier a alors été récupéré par le général Mikhaïl Dieterichs, responsable de l’enquête « blanche » sur l’assassinat de la famille impériale. Plus tard, Joy est arrivé entre les mains du colonel Pavel Rodzianko, qui accompagnait la mission militaire britannique du général Nox, autrement connu comme sportif et professeur d’équitation. Après la révolution d’Octobre, Rodzianko a rejoint le service britannique et a immigré au Royaume-Uni.

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Là, Rodzianko a ouvert une école d’équitation pour nobles et l‘un de ses élèves n’était autre que le futur roi d’Angleterre Edward VIII. Ensuite, le neveu de Pavel Rodzianko, l’évêque de l’Église orthodoxe aux États-Unis Vassili Rodzianko (1915-1999), a raconté que Joy était devenu la propriété de George V, à qui Rodzianko avait parlé de la mort de son cousin et de sa famille. Certains affirment que Joy habitait chez le roi anglais et a été enterré au cimetière des chiens royaux à Windsor. Néanmoins, il ne s’agit que d’une légende.

Alexis jouant avec son chien dans le parc de Tsarskoïé Selo

Dans son autobiographie Drapeaux déchirés (« Tattered Banners », Londres, 1938), Rodzianko décrit en effet sa rencontre avec George V : « J’ai décrit les chambres vides et froides, le sous-sol ensanglanté de la maison Ipatiev, mes recherches au cimetière en vain et mon lugubre voyage à travers la forêt sibérienne, pour retrouver ne serait-ce qu’une poignée de cendres. […] Je lui ai raconté l’histoire de Joy, qui court dans mon jardin. Il a l’air heureux, mais en regardant ces yeux marron clair je me demande souvent de quoi il se souvient ».

Nicolas II jouant avec Joy, le chien de son fils

Joy est mort à Windsor, pas à la cour royale, mais dans la modeste propriété du colonel Rodzianko – Sefton Lawn, le parc duquel était adjacent au parc royal. « Chaque fois que je passe devant mon jardin à Windsor, je repense à la petite tombe du chien dans les buissons, avec l’ironique épitaphe "Ci-gît la joie". Pour moi, ce petit rocher signe la fin de l’Empire et de son mode de vie », témoigne Rodzianko dans son ouvrage.

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