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Dans la chanson épique (былина / byline) Du Preux Dobrynia Nikititch, on trouve ces vers : « Le jeune Dobrynia Nikititch avait des boucles blondes, Qui bouclaient en trois rangs au sommet de son crâne, Et toi, boit-sans-soif, tu te les laisses tomber jusqu’aux épaules ! ». Dans la Russie ancienne, les hommes devaient impérativement prendre soin de leurs cheveux et de leur barbe.
Guide spirituel de la communauté de vieux-croyants non presbytériens de Nijegorodié. Photographie prise par Maxime Dmitriev
Domaine publicDans la Russie ancienne, les hommes qui ne se coupaient pas les cheveux et ne se coiffaient pas étaient considérés comme des buveurs ou des sorciers. Seuls les parias et les marginaux négligeaient leur chevelure. Pour montrer le degré de leur désespoir et de leur repentir, ceux qui étaient tombés en disgrâce aux yeux des princes, puis des tsars ne se lavaient, ni ne se coupaient les cheveux. Ils cessaient également d’entretenir leur barbe.
Portrait (parsouna) du prince M.V. Skopine-Chouïski. XVIIe siècle
Domaine publicLes hommes avaient alors les cheveux mi-courts qui leur couvraient la nuque. Au Moyen-Âge se répandit la coupe au bol, ainsi appelée parce que l’on plaçait un bol sur la tête de la personne et qu’on lui coupait les cheveux qui en dépassaient.
Vieux-croyant. 1877, P.M. Botkine
Galerie TretiakovAu XVIe siècle, sous Ivan le Terrible (1530-1584), l’aristocratie russe emprunta aux princes tatars entrés au service de la Moscovie l’habitude de se raser complètement la tête une fois toutes les deux semaines. Il s’agissait d’une mesure sanitaire qui était appliquée pendant les longues campagnes militaires. Cette habitude ne prit pas dans le peuple qui la considérait comme « mahométante » et ennemie.
Au début du XVIIe, la coupe au bol connut une variation : la frange devint plus courte que le reste des cheveux dont la longueur pouvait atteindre les épaules. À l’époque impériale, cette coupe était très répandue parmi les marchands et les vieux-croyants. Dans certaines communautés de vieux-croyants, les hommes ont jusqu’à aujourd’hui obligation de la porter.
Portrait du prince A.D. Menchikov. 1716—1720, auteur inconnu
Domaine publicLes réformes en matière d’habillement que Pierre le Grand (1672-1725) imposa à la noblesse concernèrent également les coiffures. En Europe occidentale, les aristocrates européens portaient à cette époque des perruques. Le tsar avait les cheveux mi-longs et n’aimait pas les perruques. Les nobles russes se laissèrent alors pousser les cheveux, se les bouclaient au niveau des tempes et se les poudraient, s’ils en avaient envie.
Mikhaïl Lomonossov. Début du XIXe siècle
Domaine publicAinsi, Mikhaïl Lomonossov (1711-1765) ne portait que de temps en temps une perruque coiffée en ailes de pigeon. Les boucles devinrent une coiffure masculine à la mode parmi les aristocrates. Au XVIIIe, on utilisait des papillotes en papier ou en tissu pour se friser les cheveux. Pour les faire tenir, on humidifiait préalablement les cheveux avec de l’eau sucrée, de la bière ou parfois des crèmes réservées à cet effet.
Fraîchement médaillé. 1846, Pavel Fedotov
Galerie TretiakovBeaucoup d’hommes, en particulier à la cour et dans l’administration, continuèrent à porter des perruques. L’historienne Vera Bokova raconte qu’au XVIIIe siècle, les hommes se rasaient complètement la tête pour qu’il leur soit plus facile de porter cet accessoire : ils se levaient, faisaient leur toilette et mettaient leur perruque qu’ils ne retiraient que le soir. Les perruques demandaient un entretien particulier : nettoyage, lavage, coloration et bouclage. Toutes choses dont on chargeait les perruquiers, dont les noms en russe étaient empruntés au français (сoiffeur) et à l’anglais (toupee).
La Toilette d’un Clerc de Procureur. 1816 , Philippe Dubucourt et alii
Domaine publicLes perruques devaient être régulièrement poudrées, ce que les valets de chambre des aristocrates pouvaient apprendre à faire. Une fois entièrement apprêtée, la personne mettait sa perruque, se couvrait d’un drap ou d’une cape, s’asseyait et tenait devant son visage un cône en cuir ou en papier. Le perruquier ou le domestique projetait des nuages de poudre sur la perruque à l’aide d’une houppe. Jusqu’à un kilogramme et demi de poudre pouvait être nécessaire pour blanchir une perruque. C’était pourquoi il fallait mieux réaliser cette opération hors des appartements des personnes qui portaient ces accessoires.
Portrait de A.D. Lanski. 1782, Dmitri Levitski
Musée RussePour éviter que la poudre et la graisse (on en enduisait les cheveux de la perruque pour que la poudre s’y colle) ne tachent pas les habits, on rassemblait les cheveux longs en une queue que l’on pliait dans une élégante poche de tissu appelée crapaud .
Dans les premières années du règne de Catherine la Grande (1729-1796), la mode fut au toupet coiffé en une coque volumineuse sur le haut du front. Le reste des cheveux était rassemblé en une ou plusieurs tresses.
>>> Entre prestige et rejet: la mode des boucles d’oreille pour hommes au gré de l'histoire russe
Frédéric II de Prusse, 1745. Antoine Pesne
Deutsches Historisches MuseumLes coiffures réglementaires dans l’armée russe évoluaient aussi. Elles étaient très élaborées. Pendant les marches, les manœuvres et les combats, personne ne se préoccupait des coiffures. Il en était tout autrement lors des revues, des défilés et des tours de garde : les soldats devaient alors être correctement coiffés.
Les films sur le XVIIIe siècle nous présentent des soldats et officiers portant des perruques blanches. La réalité était bien différente. Ils humidifiaient leurs cheveux avec de l’eau ou du kvas ou bien les enduisaient d’une substance cireuse obtenue à partir de suif. Puis ils se faisaient répandre de la craie ou de la farine sur la chevelure. En 1764-1765, Alexandre Souvorov (1730-1800) décrivit lui-même dans son Règlement Militaire (Полковое Учреждение) la coiffure que les soldats devaient avoir : « Lisser les cheveux du haut crâne jusqu’à l’occiput, les attacher ensemble, y attacher une fausse natte. Ne pas laisser de toupets. Pour que tous soient coiffés de la même façon, comme le veut le règlement : sur les côtés, lisser les mèches et les mettre en plis de telle façon à ce qu’elles forment des rouleaux et ne ressemblent pas à des stalactites de glace. Par temps de gel, les rouleaux sont plus larges pour protéger les oreilles ».
Portrait de Pierre III. 1761, Lukas Konrad Pfandzelt
ErmitageLes militaires devaient être ainsi coiffés lorsqu’ils « participent aux grandes revues, vont à l’église, sont de garde, se déplacent en ville », c’est-à-dire dans les situations où ils pouvaient être vus et leur tenue détaillée. Les fausses tresses étaient fixées à la chevelure naturelle à l’aide d’un fil métallique ! « L’extrémité des fausses nattes doit atteindre le bas du ceinturon. Elles doivent être solidement fixées sur les cheveux à un doigt au-dessus de la base du crâne et correctement recourbées en haut et en bas ». Telle était la coiffure sophistiquée des soldats. Pour pouvoir la réaliser à tout moment, ils devaient toujours avoir sur eux : « un peigne pour rassembler leurs cheveux, un morceau de suif mêlé à de la cire ... un quart de pound de poudre avec un pinceau dans un petit sac ».
En 1770, le prince Grigori Potemkine se consacra à la réforme de l’armée russe et libéra les soldats de l’obligation de se coiffer comme le règlement le préconisait jusqu’alors : « Les soldats n’ont-ils rien d’autre à faire que de se boucler, de se poudrer, de se natter les cheveux ? Ils n’ont pas de valets de chambre. Que sont donc ces boucles ? Tout un chacun conviendra qu’il est plus utile de se laver et de se peigner les cheveux que de s’alourdir la chevelure avec de la poudre, du suif, de la farine, des épingles et de fausses nattes. La règle pour les soldats doit être la suivante : à peine levés, déjà prêts ! », écrivait le prince. Les soldats recommencèrent à se couper les cheveux au bol et les perruques et les boucles étaient réservées aux soldats qui montaient la garde dans les palais.
L’empereur Paul Ier (1754-1801) voulait que les soldats et officiers de l’armée russe ressemblent, comme lui, à Frédéric II (1712-1786). Le problème était qu’en 1796 le style du roi de Prusse était passé de mode. Dans les armées, il y avait peu de coiffeurs (au mieux, deux par régiment) et, les nuits précédant revues et défilés, les soldats dormaient à peine pour avoir le temps de se graisser et se poudrer les cheveux les uns aux autres. Paul mort, ces obligations de coiffure furent levées. Un nouveau siècle s’annonçait : celui du dandysme.
Portrait de Lucien Bonaparte. Vers 1800, François Xavier Fabre
Museo Napoleonico di RomaEn matière de mode aussi, la Révolution française fit souffler un vent nouveau sur toute l’Europe. Les coiffures volumineuses et imposantes furent du jour au lendemain considérées comme « antérévolutionnaires ». Les cheveux courts, les coupes légères et naturelles furent adoptés. Certaines portaient des noms qui faisaient référence à des événements de la Révolution. Par exemple, la coupe « à la victime » qui consistait à dégager la nuque et à laisser les cheveux de devant un peu plus longs. Elle rappelait la coupe qui était faite à tout condamné à la guillotine : il était important que rien n’empêche le couteau de trancher.
Sous le Directoire (1795-1799), on vit apparaître des incroyables (accompagnés de merveilleuses), des hommes qui portaient des foulards volumineux, s’appuyaient non sur une canne mais sur un morceau de branche d’arbre et se faisaient des coupes en oreilles de chiens : nuque dégagée et longues mèches tombantes sur les oreilles.
Ces nouvelles modes atteignirent la Russie sous Alexandre Ier (1777-1825). Elle fut importée par les émigrés français qui avaient fui les horreurs de la Terreur. Il y avait parmi eux un nombre certain de coiffeurs qui, au début du XIXe siècle, devinrent dominants dans ce secteur d’activité. La langue russe emprunta le mot français coiffeur et on ne s’étonnait pas de lire sur les enseignes : « Coiffeur Sidoroff », par exemple.
Portrait d’Homme. 1809, François-Xavier Fabre
Scottish National GalleryAprès que Bonaparte (1769-1821) fut plébiscité puis couronné empereur, le style empire, largement inspiré de l’empire romain, s’imposa dans de nombreux domaines : de l’ameublement à la coiffure. La coiffure à la Titus, en hommage au personnage de la tragédie de Voltaire (1694-1778), fut très en vogue sous l’Empire : visage rasé de près, fines pattes appelées favoris, cheveux courts et bouclés. La coupe à la Caracalla était quelque peu différente : les pattes étaient plus larges et reliaient la chevelure à la barbe.
En Russie, perruques bouclées et poudres disparurent dans les années 1810. Dans les années 1820, beaucoup d’hommes dans la haute société portaient frange et boucles qu’ils obtenaient en se couvrant la tête de papillotes ou en se faisant friser les cheveux au fer par un coiffeur. Vers le milieu du XIXe siècle, les coiffures masculines commencèrent à ressembler à celles qui nous sont familières aujourd’hui.
Dans cette autre publication, découvrez les coiffes féminines les plus étranges de la Russie médiévale.
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