Un Breton dans la ville: qu’est-ce que vivre dans la tentaculaire Moscou en étant campagnard?

Konstantin Kokochkine/Global Look Press; Komsomolskaïa Pravda/Global Look Press; Pixabay; Archives personnelle; Ulf Mauder/Global Look Press
Du haut de ses 17,3 millions d’habitants, l’agglomération moscovite a de quoi effrayer les ruraux. Originaire d’un village dépassant à peine le millier d’âmes, un expatrié livre pourtant sa facile adaptation dans celle qui apparaît aujourd’hui comme la plus grande des villes d’Europe.

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S’il y a dix ans vous m’aviez dit que je serais amené à vivre à Moscou, je vous aurais ri au nez, et ce, pour deux raison. Je n’avais en effet alors tout simplement aucun lien avec la Russie et, ayant toujours vécu dans de petites bourgades bretonnes, m’installer ne serait-ce qu’à Brest m’apparaissait déjà tel un défi aussi lointain que de taille.

Le destin étant source de surprises, c’est pourtant depuis un appartement bâti à l’époque tsariste, puis devenu communautaire durant l’ère soviétique, au cœur de la capitale russe, que je rédige à présent ces quelques lignes.

Déraciné pour les études, j’ai, il est vrai, poursuivi ces dernières à Grenoble, puis à Nijni Novgorod, et enfin à Lyon, avant de m’établir à Moscou, devenant ainsi résident de villes toujours plus grandes. Cela ne s’est pas fait sans épreuves, entre overdoses de béton et désirs impulsifs de verdure, mais l’acclimatation s’est finalement soldée par une réussite, toute relative qu’elle soit.

Un grand village

L’on entend souvent dire de telle ou telle ville qu’il s’agit d’un « grand village ». Or, malgré sa démesure, Moscou est également fréquemment qualifiée de la sorte. Être entouré de millions d’individus ne signifie en effet pas de tous les côtoyer et, finalement, une fois une certaine routine adoptée, l’on en vient rapidement à fréquenter les mêmes lieux et personnes.

Après trois ans passés ici, que ce soit au marché ou au magasin du coin, les vendeurs se souviennent de moi en dépit de leurs centaines de clients quotidiens. Tandis que l’un se rappelle systématiquement que le sans-contact de ma carte bancaire ne fonctionne plus, une autre sait pertinemment qu’il est inutile de me proposer un sac plastique. Certains en viennent même à se tenir au courant de la situation de mes proches en France durant l’actuelle pandémie. Me vient encore à l’esprit cette boulangère qui, alors que je n’avais franchi la porte de son établissement que deux ou trois fois, s’est écriée lors de ma visite après plusieurs mois d’absence : « Oh, ça fait longtemps que je ne vous avais pas vu ! ».

Habitant à deux stations de métro du bureau, j’aime durant les beaux jours m’y rendre à pied. Or, en chemin aussi, les visages sont identiques. Sur le pont enjambant la Moskova et offrant une vue imprenable sur le kremlin et, au loin, sur les gratte-ciels du quartier d’affaires, je croise inlassablement ce jeune homme à l’air un peu rock’n’roll et aux lunettes de soleil, ainsi que cette femme, certainement originaire d’Asie centrale et boitant légèrement. À chaque fois, des échanges de regards amusés surviennent. Un jour, peut-être, se saluera-t-on ?

Le pont que je traverse matins et soirs

Et comment ne pas mentionner ces improbables instants, lorsque, au détour d’un trottoir ou dans le vestibule d’un café de cette gigantesque fourmilière, je retrouve par hasard d’anciennes connaissances faites des années auparavant dans d’autres villes de Russie ?

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Moscou la verte

En outre, s’il est un trait des villes russes que j’apprécie particulièrement, c’est indubitablement l’omniprésence végétale. Si l’on est, dans les rues de France, habitués à apercevoir quelques rares rangées d’arbres bien domptés, en Russie, il est parfaitement commun de parcourir, en centre-ville, des allées à l’ombre de spécimens sauvages, poussant à leur guise, sans que l’homme n’intervienne. Au contraire, ici, ce dernier se plie régulièrement à la volonté de ces géants feuillus, sciant des grilles de fer pour les laisser poursuivre leur croissance ou les contournant lors des travaux de voirie.

Une singularité qui a d’ailleurs permis à Moscou de se hisser en 2019 à la première place des grandes villes du monde pour la surface d’espaces verts par habitant, selon le classement établi par le réseau international PwC. Chaque Moscovite a ainsi à sa disposition 68,6 m² de parcs et jardins, contre 30,5 pour les Londoniens et 13,5 pour les New-Yorkais. À titre de comparaison, Paris affiche quant à elle une moyenne de 14,5 m² par résident.

Un constat en réalité valable pour la Russie toute entière. À jamais sera par exemple gravée dans ma mémoire la vue qui s’offrait depuis le toit de mon immeuble à Nijni Novgorod. Pourtant situé en plein centre de cette ville de 1,2 million d’habitants, s’y ouvrait à moi un océan de verdure, duquel s’échappaient ici et là quelques îlots de béton.

La vue depuis ce fameux toit à Nijni Novgorod

Par ailleurs, là où les villes françaises ont l’excuse d’avoir hérité de rues médiévales étroites et peu propices à la végétalisation, Moscou a connu la majeure partie de son expansion durant l’ère soviétique, où le monumentalisme des autorités a donné naissance à de larges boulevards, places et squares. Il en résulte ainsi également une bien meilleure circulation de l’air et la « Troisième Rome » figure donc parmi les meilleurs élèves en termes de concentration de particules fines, d’après le dernier classement annuel mondial de la compagnie suisse IQAir.

Une banlieue typique de Moscou, dominée par le vert

À ce sujet, je me souviens encore de la confession d’une autre campagnarde française, qui avait auparavant vécu sept années en quasi autarcie dans la taïga de l’Extrême-Orient russe. Lors d’un passage à Moscou, alors que nous étions sur la passerelle du tout nouveau parc Zariadié, à deux pas du kremlin, elle m’avait fait part de sa surprise face à l’absence d’oppression en plein centre de cette immense mégalopole et à l’agréable fraicheur de l’air que l’on pouvait y respirer.

La forêt de Tsaritsyno, l'un de mes lieux favoris à Moscou

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Un tableau idyllique ?

Parler d’une irréprochabilité du cadre offert par cette ville serait néanmoins une exagération. Moscou présente certes de nombreux et irréfutables avantages par rapport à d’autres aires urbaines, mais elle n’échappe pas aux regrettables phénomènes induis par un tel environnement.

Si la qualité de l’air y apparaît satisfaisante, la pollution lumineuse et sonore aura de quoi en faire fuir plus d’un. Je ne compte déjà plus les heures de sommeil perdues en raison des incessants klaxons et interminables allées et venues nocturnes de bruyants véhicules sous ma fenêtre. Des nuits d’ores et déjà perturbées par l’éclairage public, transformant la voute céleste en une toile jaune, quand elle n’est pas mauve ou verte en raison des réverbérations d’illuminations voisines. Adieu donc cieux obscurs et nuées d’étoiles, que j’aimais autrefois tant contempler.

Moscou n’est pas non plus épargnée par les vices de nos sociétés modernes, dont les milieux citadins sont les précurseurs. Consumérisme à outrance, bling-bling, rythmes effrénés… la capitale russe semble elle aussi prendre activement part à cette course mondiale folle, dont le but et la destination restent un mystère, et qui ne manquera pas d’essouffler les esprits sauvages.

Bien sûr, des parades existent, comme éviter au maximum le vacarme et la cohue du métro, ou déménager en banlieue afin de bénéficier d’espaces plus arborés et paisibles. Mais combien de temps cela durera-t-il, avant que mes racines campagnardes ne m’attrapent aux chevilles pour me ramener à une autre réalité, peut-être plus modeste, mais au final infiniment plus riche ?

Dans cet autre article, nous vous emmenons dans un fascinant écovillage russe, entre mode de vie alternatif et bénévoles du monde entier.

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