Crédit : Flickr/European Parliament
Selon les dernières statistiques divulguées par le ministère russe de l’Intérieur, 40% des crimes graves sont commis dans un contexte familial. 36 000 femmes subissent quotidiennement des violences physiques intrafamiliales. Annuellement, ces actes coûtent la vie à 12 000 femmes, soit à une femme toutes les 40 minutes. Malgré l’envergure du problème, 97% des dossiers relatifs à la violence familiale n’arrivent jamais au tribunal.
Le Centre national contre les violences familiales ANNA, évoque de son côté le chiffre de 14 000 cas létaux par an.
À présent, il n’existe pas en Russie de loi réservée à la prévention de la violence domestique. Deux documents internationaux sont en vigueur en Russie – la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention de l'Onu sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes. Toutefois, elles n’ont qu’un caractère déclaratif.
Le Code pénal de la Fédération de Russie prévoit des peines pour les atteintes intentionnelles à la vie et à la santé d’un individu. Ainsi, les actes normatifs en vigueur sont concentrés sur la liquidation des conséquences de la violence et non sur sa prévention. Formellement, l’État ne peut intervenir qu’une fois le crime commis.
En mai 2012 a vu le jour un groupe de travail chargé d’élaborer un projet de loi fédérale, dont le but est de créer un système de protection sociale et juridique contre la violence domestique, de prévenir les récidives et de protéger les victimes.
Le 1er décembre 2014, un projet de loi prévoyant des amendements au Code pénal de la Fédération de Russie a été soumis à la Douma (chambre basse du parlement russe). L’objectif de l’initiative est de distinguer la violence domestique en tant que crime à part entière et d'alourdir la peine maximale pour ce genre d'actes à trois ans de prison contre deux ans actuellement. Le document distingue plusieurs types de violence domestique, notamment physique, psychologique et économique.
Le processus d'adoption du document n'a pas encore commencé.
Une multitude d’études sociologiques menées en Russie a révélé que ce problème était aussi bien observé dans les familles aisées qu’au sein des foyers défavorisés. L’âge, le niveau d’éducation ou des revenus n’ont aucune importance.
Des centres de réhabilitation et des cellules de crise – initiatives publiques et privées – mettent à disposition des victimes de violence une assistance psychologique et médicale et proposent parfois un hébergement provisoire. En outre, il existe un service de téléassistance opérationnel 12 heures sur 24.
Un des problèmes majeurs est que dans la plupart des cas, les femmes préfèrent passer sous silence les violences conjugales. Si en moyenne à l'échelle mondiale, la femme dénonce son agresseur ou décide de rompre avec lui après la septième agression, les Russes sont plus patientes. Même si la femme ose porter plainte contre son époux, dans la plupart des cas elle la retire le lendemain par pitié envers lui ou sous pression.
Selon les psychologues, ce problème est dû à l’attitude de la société, plus précisément en raison de la tendance à rejeter la responsabilité sur la femme qui a « mal choisi son compagnon », « a tort d’avoir patienté depuis le début face aux agressions de l’époux », etc.
Selon eux, la maxime de nos aïeux affirmant que « frapper c’est aimer » reste encore enracinée dans notre mentalité.
D’ailleurs, le projet de loi sur la prévention des violences domestiques a été évoqué fin mars au Conseil de la protection de la famille et des valeurs familiales auprès du délégué du président russe aux droits de l’enfant. Selon sa présidente, Olga Letkova le texte prive les maris du droit de domination sur les femmes, ce qui est contraire aux valeurs religieuses du pays.
Le président de la Commission patriarcale en charge des questions de la famille a de son côté jugé que le projet de loi en question n’aidait pas à résoudre le problème, mais « détruisait la famille, les valeurs familiales et les relations ».
Irina*, économiste de 39 ans qui a subi pendant plusieurs années des violences de la part de son époux, raconte qu’il lui a fallu du temps pour réaliser qu’elle était une victime.
« Je refusais d’appréhender que ça se passait avec moi. Je préférais tout oublier et continuer à vivre avec lui comme si de rien n’était », avoue-t-elle.
« À qui j’en parlais ? À personne, car j’avais tout simplement honte et lorsque ma belle-mère me posait des questions sur les bleus couvrant mon corps, je préférais mentir en disant que j’étais tombée à moto », poursuit-elle.
Ses amis et ses proches, qui l’ont toujours connue comme une personne à fort caractère, ne pouvaient même pas imaginer qu’elle puisse un jour subir silencieusement des violences de la part de qui que ce soit.
Au fur et à mesure de sa vie conjugale, Irina a commencé à justifier son agresseur et à se persuader qu’elle méritait ce genre de traitements. Porter plainte contre son époux ? Elle n’y a jamais pensé.
Il lui a fallu des années pour prendre la décision de jeter l’éponge. Elle ne peut pas expliquer aujourd’hui qu’est-ce qui l’a aidée à rompre ce cercle vicieux, dans lequel elle a été enfermée pendant des années.
Mais même après son départ, le problème a perduré : « Pendant plusieurs mois, je craignais qu’il ne me retrouve. Je l’imaginais forcer la porte de mon appartement et venir me frapper ».
Tout en réalisant l’existence d’un problème psychologique, elle n’a jamais consulté un spécialiste. Aujourd’hui, elle se dit « guérie » et assure que la femme se complaît parfois inconsciemment dans le rôle de victime, ce qui l’empêche de chercher une solution au problème.
*Le nom a été modifié à la demande de l’intéressée
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