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Fin septembre 2019, Apple a lancé son service Arcade. Pour 199 roubles par mois (ou 4,90 euros en France), ses utilisateurs ont accès à une bibliothèque constamment renouvelée de jeux vidéos qui peuvent être joués sur iPhone, iPad, ordinateur Mac et sur Apple TV.
Au début, un seul jeu du nouveau service était l’œuvre de développeurs russes, la société Tortuga Team, originaire de Kaliningrad. Cependant, le chemin vers le succès n’a pour eux pas été de tout repos. Avant le lancement d'Arcade, le marché exigeait des jeux totalement différents de la part des concepteurs.
Il y a quatre ans, le game-designer Anton Mikhaïlov s'est rendu compte qu'il en avait assez de travailler sur des jeux free-to-play.
« Je voulais faire un jeu vidéo payant habituel. Quand tu annonces de tels plans, la communauté commence à te regarder comme si tu étais un idiot. Dans le sens où tout le monde va déjà au travail, et toi tu t’occupes de futilités », confie Mikhaïlov, 35 ans, l'un des fondateurs de Tortuga Team.
Les jeux free-to-play sont par définition gratuits, vous pouvez en profiter sans dépenser un seul kopek. Néanmoins, pour évoluer plus rapidement, pour des victoires plus fréquentes, sont proposées des améliorations pour de l'argent réel. Ce business model a depuis longtemps conquis le marché de la téléphonie mobile, et pas seulement celui des jeux.
De son côté, Anton a toujours abordé son travail de manière créative, comme un réalisateur de film, tandis que les mécaniciens des free-to-play exigeaient un travail plus analytique des données afin de convertir les joueurs en clients dépensant leur argent.
Aux antipodes des free-to-play se trouvent les jeux payants traditionnels, que le joueur achète une fois, recevant ainsi tout le contenu immédiatement, ce qui ne nécessite donc aucune dépense « fourbe » par la suite.
Après avoir pris conscience de sa crise interne, Mikhaïlov a rejoint le travail du co-fondateur et directeur de Tortuga Team, Dmitri Pialov. Ensemble, ils se sont penchés sur leurs anciennes réalisations et ont donné naissance, en cinq mois, au prototype de leur jeu payant, malgré l’aigreur naissance des artistes et autres employés.
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« Je respecte ceux qui font des jeux free-to-play, parce que c'est aussi un travail colossal, mais c'est un travail d’un autre ordre. C'est comme ouvrir un restaurant, il y a toujours quelque chose qui ne va pas », explique Anton Mikhaïlov.
Il compare le développement de jeux de ce genre avec l’assemblage de voitures sur une chaîne de montage : une histoire complexe qui exige un effort et un investissement sérieux. Mais le produit est estampillé.
A contrario, la production de jeux payants s’apparente à tuner une voiture spécifique dans son garage : elle peut être cool, mais peut difficilement toucher un grand nombre de personnes. C’est ainsi que se présentent aujourd’hui les jeux payants de petits studios, affirme Anton. Ils ont moins à tenir compte des préférences du public de masse et l'espace d'expression reste plus grand. « Tu as exprimé une idée, quelqu’un a payé pour elle, a joué, a admiré », explique Mikhaïlov.
Afin de convaincre leurs collègues de continuer à travailler sur le nouveau projet, Anton et Dmitri ont donc dû affiner et préciser le concept.
« Nous tous, concepteurs de jeux, allons quelque part dans le brouillard et emmenons avec nous des artistes et des programmeurs. On ne sait pas qui atteindra le but. Nous ne savons pas exactement ce qui va nous tirer dessus », illustre Anton.
C'est pourquoi nous avons décidé de décrire le concept avec des mots simples : « un X-COM [une série culte de jeux vidéos de type RPG née en 1994] simplifié, plus agressif ». Le prototype, tenant compte du nouveau concept, était prêt et a convaincu un artiste de continuer à travailler, puis d'autres ont suivi. À certaines étapes, jusqu'à 10 personnes ont travaillé sur le nouveau jeu, la plupart d'entre elles à distance. Le projet a alors reçu le nom de Spaceland.
Les personnages principaux de Spaceland sont de bourrus rangers de l’espace, qui se sont installés sur une base spatiale apparemment déserte sur une planète éloignée. Rapidement, les lieux s'avèrent en réalité occupés, laissant place à une vigoureuse intrigue d'action et de science-fiction.
Selon les développeurs, contrairement à X-COM, ils ont essayé de se concentrer sur l'histoire, qui dans le jeu est révélée par le biais des écrans d’intervalle entre les combats et des dialogues sur le champ de bataille. En outre, le jeu a été délibérément rendu plus dynamique, de sorte que le joueur ait un sentiment de saturation des événements en moins de temps.
La base spatiale comprend des dizaines d'endroits où les missions se déroulent de façon consécutive. Le nombre de personnages sous le contrôle du joueur augmente quant à lui progressivement, et dans certains cas, vous pouvez choisir vous-même l'équipe pour remplir une tâche particulière.
Il était d’ores et déjà prévu de lancer le jeu sur la plateforme Steam pour les ordinateurs, mais Apple a ensuite annoncé le lancement du service Arcade.
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Pour les développeurs de jeux comme Tortuga Team, le lancement d'Apple Arcade a été un tournant. La plus grande société technologique du monde a décidé d'investir dans des jeux de qualité qui ne sont pas liés à des mécanismes de manipulation pour obtenir l'argent des joueurs. En effet, ici, le système est simple : vous payez un abonnement et accédez à une bibliothèque de jeux sélectionnés par les éditeurs du service.
Chaque développeur, dont le jeu est représenté sur Arcade, conclut un contrat individuel avec la société et s'engage à ne pas publier son jeu sur d'autres plateformes mobiles.
« Apple fait un très gros travail et, dans un sens, cela va à l'encontre de la tendance », avance Anton Mikhaïlov. Selon lui, la philosophie d'Arcade est d'investir dans des studios qui essaient d'apporter quelque chose de nouveau dans les jeux : mécanique, design et style, ou de nouvelles façons de présenter l'histoire. En d'autres termes, ils font de l'art, pas seulement de l'argent.
Tortuga Team a ainsi envoyé sa candidature pour Apple Arcade en mai 2019. À l'époque, le jeu était prêt, mais seulement pour ordinateurs. Il a donc de toute urgence fallu l’adapter aux appareils Apple. Cela a pris trois à quatre mois. Les développeurs croient eux-mêmes que leur propre approche « pas comme tout le monde » les a aidés dans le processus de sélection.
« Sous Steam, les jeux doivent être de plus en plus difficiles. Cela ne m’intéresse pas vraiment. Je suis plus proche des jeux familiaux, positifs, de quelque chose qui confirme la vie. Je fais des jeux de ce genre. Et il s’est avéré qu’il y a de la demande pour cela, y compris dans Apple Arcade », explique Mikhaïlov.
Selon lui, la règle principale du game-designer est de ne pas se limiter et de ne pas essayer de tout faire selon le manuel, car dans la production de jeux, la composante créative est beaucoup plus importante.
« Spaceland est sorti, j'ai lu les critiques : ça a plu à certains, déplu à d’autres. Mais tous pointent vers les caractéristiques du jeu que j'ai prévues. C'est un succès pour moi parce que j'ai fait ce que je voulais faire », conclut Anton Mikhaïlov.
Dans cet autre article, nous nous intéressons à la représentation de la Russie dans les jeux vidéos.
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