Voir Moscou avec ses majestueux gratte-ciels staliniens et le musée de l’histoire du Goulag, monter à bord du légendaire Transsibérien pour rejoindre en wagon commun – platzkart – la ville sibérienne d’Irkoutsk, faire un trajet long de plusieurs heures sur la glace du Baïkal pour découvrir enfin l’île d’Olkhon, ce centre spirituel du chamanisme. En mars 2020, alors que la Russie était encore relativement à l’abri de la pandémie de Covid-19, deux Français, mère et fils, originaires de la région grenobloise, se sont lancés à la découverte de la Russie, en suivant cet itinéraire. Pour ces journalistes et passionnés de voyage, il s’agissait alors de la toute première rencontre avec la plus grande contrée du monde.
Si c’est tout d’abord par profession que Mona, aujourd’hui âgée de 57 ans, est devenue une habituée des voyages, ses motivations sont bien plus larges. Sa curiosité et son ouverture d’esprit n’y sont pas pour rien. Comme elle l’avoue, le voyage a construit sa « vie personnelle et professionnelle ». Elle se souvient que, dans sa jeunesse, ça a été « un moyen d’émancipation, d’indépendance, de liberté, de découvertes et d’explosion de connaissances ». De plus, elle a très tôt commencé à travailler seule à l’étranger comme journaliste-reporter. Ses voyages ne sont pas des promenades touristiques typiques, ce qui l'intéresse c’est « la rencontre avec l’autre et avec soi ». Cet amour et cette passion pour les périples, elle les a transmis à Sasha, 26 ans. Il admet qu’il a eu « la chance de quasiment être né dedans ».
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Ayant déjà visité plusieurs pays d’Europe de l’Est, le voyage en Russie n’était qu’une question de temps pour Mona qui, comme il s'est avéré, est une véritable admiratrice de la culture et de l'histoire russes. En tant que principale initiatrice de ce voyage, elle a expliqué qu’elle avait attendu « presqu’une vie » pour se décider à aller à la rencontre de cette immense contrée. « Les secrets, les mystères, les légendes, les mythes, le gris, l’espoir, le désespoir, le froid, l’art, la musique, les peuples, l’histoire, les cultures, la littérature, la politique, la géographie et l’immensité », voilà ce qu’elle trouve de si particulier et attirant en Russie.
« Le Transsibérien était dans ma tête depuis très longtemps, il était pour moi (presque) tout ce que représente la Russie à mes yeux », confie-t-elle à Russia Beyond.
Pour eux deux, c’est la littérature qui constitue le volet le plus important de la culture russe. « Sa richesse a rythmé mon adolescence et ma vie de jeune adulte. Aujourd’hui je la redécouvre toujours avec les auteurs classiques et avec des auteurs contemporains », livre Mona, précisant que le prénom de son fils n’est point un hasard, mais une conséquence directe de sa passion pour la culture russe. D’ailleurs, le deuxième prénom de sa fille Alysse est Natasha. De son côté, Sasha apprécie la littérature politique russe, notamment anarchiste avec Bakounine et Kropotkine. Le voyage en Transsibérien a été pour lui l’occasion de se familiariser avec d’autres œuvres classiques, celles de Dostoïevski et Soljenitsyne.
L’envergure territoriale fait de la Russie un pays mystère, que l’on ne sait par quel bout aborder. Le choix de faire le Transsibérien est inscrit dans la philosophie du voyage de Mona : « regarder défiler les paysages, les villages, les villes, les rivières, les gares, les gens… Heure après heure, jour après jour. Des visages si différents qui viennent s’asseoir à côté ou en face de vous pour trois heures, pour trois jours. La troisième classe platzkart était une évidence ».
En Europe, il est rare de prendre les trains de nuit, car ils ont quasiment tous disparu. Pour un jeune Français, habitué à voyager en train à grande vitesse, un train russe est quelque chose de spécial. Comme l’explique Sasha, en voyageant en TGV, « on peut difficilement prendre le temps de ressentir les soubresauts, ou d’observer le ballet des passagers qui montent et descendent ».
L’immensité d’une nation telle que la Russie est « difficile à se figurer lorsqu’on a grandi dans un pays où tout peut se faire en voiture et en moins d’une journée », avoue Sasha. Cette ampleur est bien représentée à Moscou, comme il le décrit, « une ville absolument gigantesque, dominée par les grandes artères, la voiture et les bâtiments démesurément grands ». Mais une vraie envergure et des étendues gelées, c’est au Baïkal qu’ils ont pu en rencontrer : « une sensation étrange », « les dimensions qui donnent le tournis », « 630 km de long, 80 de large. C’est trois fois plus que la distance entre la France et l’Angleterre ! ».
Par ailleurs, la visite en Russie suppose d’éprouver ce fameux froid que l’on évoque souvent lorsque l’on parle de ce gigantesque pays. C’était le cas de Mona et Sasha qui s’attendaient « à un temps plus rude et plus froid ». Au final, il n’a fait que -11° au Baïkal, mais il y avait « un vent glacial, pénétrant ». Heureusement, ils ont tout de même pu profiter du véritable hiver russe, une authentique tempête de neige ayant couvert tout Moscou lors de leur dernière soirée en Russie.
« Nous sommes restés deux nuits [sur l’île Olkhon]. Nous avons passé une journée entière sur le lac. On est hors temps alors. Conduits en minibus (6 personnes) par un chauffeur local qui ne parlait pas anglais, il a été formidable, et a improvisé la préparation d’une soupe dans un bois, au bord du lac. La soupe ne nous a guère réchauffés toutefois. Les deux soirs, nous avons rencontré et échangé avec plusieurs jeunes Russes en week-end du 8 mars. C’était dans l’unique café de Khoujir. On a bu de la bière russe et des thés en tout genre. Et nous avons pris petits déjeuners et dîners dans une cantine. Nous sommes également allés au bania, avec application de la tradition du fouet... », témoigne Mona sur leur séjour au Baïkal.
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Ni Sasha, ni Mona n’ont jamais appris le russe auparavant. Néanmoins, conscients du besoin de communiquer avec les gens, ce qui, d’ailleurs, était l’objectif principal de leur voyage, ils ont fait un travail préparatoire en apprenant la base. Même si la langue est bel et bien difficile, tous deux ont réussi à maitriser l’alphabet cyrillique. « Au total, nous avons dû échanger, de manière plus ou moins laborieuse au vu de notre niveau de russe, avec une trentaine de personnes….Chacun nous a raconté sa Russie, et on en ressort en comprenant un tout petit peu mieux un pays qui nous paraît si différent malgré sa proximité », se souvient Sasha. D’après Mona, le vocabulaire assimilé leur a permis de communiquer avec tout le monde [dans le train] « avec des moments causasses lorsque notamment Sasha a tenté de dire que nous avions [à la maison] deux ânes ! ».
« Rencontrer des gens, se fondre avec eux dans un compartiment de 54 couchettes, échanger, connaître, découvrir. Tout en prenant le temps d'être ensemble et seul, le nez plongé dans nos livres ou collé à la fenêtre du train », relate Mona les envies et objectifs poursuivis pendant le voyage.
En réalité, ce sont surtout les gens qui ont surpris Mona et Sasha. C’est cette spécificité paradoxale du caractère russe : les gens rencontrés dans la rue semblent froids et fermés, mais une fois en compagnie d’un/une Russe dans un espace clos, comme un wagon du train, l’ambiance est tout à fait chaleureuse et amicale. « Parfois on ne dit pas bonjour, ou on ne vous tient jamais la porte à l’entrée des stations de métro à Moscou. Même pour quelqu’un qui vit à Paris ça fait drôle », raconte Sasha.
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Même si désormais on observe une augmentation des touristes issus d’Europe, la Russie ne se trouve pas dans les rangs des destinations préférées des voyageurs occidentaux. Toutefois, comme le considère Mona, « la Russie est un pays à multiples facettes » et donc chacun peut y trouver quelque chose à son goût. « Il n’y a pas une, mais des Russies. Il faut donc choisir sa Russie, et ne rien attendre d’autre que ce qui viendra à vous », avoue Mona, en conseillant d’y « partir sans à priori ni préjugés ».
À son avis, il faut visiter la Russie « pour visualiser (un peu) toutes les images que vous avez imaginées en lisant la littérature russe ». Une autre histoire, c’est de voir le Baïkal, il faut le faire « pour sa beauté déconcertante ». Ou, comme le précise Sasha, « il est impossible de se représenter l’immensité qui nous happe une fois sur Olkhon. Au bout de l’île, on dirait tout simplement la mer, c’est magique ».
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