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Les machines à coudre Singer sont apparues en Russie dans les années 1860 : elles étaient importées par le biais de l’Allemagne. Plus tard, près de Tsaritsyne (ancien nom de Volgograd), a été fondé un atelier pour leur assemblage et, en 1897, est apparue la société par actions « Compagnie manufacturière Singer », qui a rapidement construit une usine à part entière à Podolsk, à proximité de Moscou. Dans le même temps, les propriétaires américains de la société se sont en outre souciés d’ouvrir un bureau à Saint-Pétersbourg : au début du XXe siècle, la société a acheté un terrain situé sur la perspective Nevski, l’axe central de la ville.
Affiche publicitaire, années 1900
Domaine publicLes plans ambitieux prévoyaient la construction d’une sorte de gratte-ciel américain dans la capitale russe (rôle qui, rappelons-le, était joué par Saint-Pétersbourg à l’époque) – un bâtiment de sept étages (selon d’autres sources, de dix étages) doté d’un mobilier ultra-moderne. Cependant, les rêves ont dû être ajustés : il s’est avéré que dans le centre de Saint-Pétersbourg, en raison de l’architecture historique, il était interdit d’ériger des édifices de plus de 23,5m de haut.
Construction de l'immeuble Singer, 1902-1903
Domaine publicL’auteur de l’immeuble a été l’architecte Pavel Siouzor. Il avait déjà construit une centaine d’immeubles de rapport dans la ville, mais il a trouvé difficile de travailler avec les Américains. Le client a en effet exigé que la façade corresponde à l’apparence d’un bureau new-yorkais, mais Siouzor a insisté sur le style local éclectique, un mélange d’art nouveau et de classicisme. De plus, l’architecte n’était pas non plus prêt à renoncer à son approche artistique.
Carte postale, dont la photographie a été prise entre 1905 et 1907
Domaine publicÀ la suite de compromis, un bâtiment de cinq étages doté d’un atrium, d’une mansarde et d’un dôme de verre angulaire est apparu sur la principale avenue de la capitale en 1904. Lors de sa construction, les techniques les plus avancées de l’époque ont été appliquées : l’édifice avait une charpente en fer, les gouttières ont été cachées à l’intérieur des murs, l’air des pièces était purifié, chauffé et humidifié, et le toit était déneigé au moyen d’une alimentation automatique en vapeur.
Magazine Zodtchi (Architecte), 1906
Domaine publicLes façades ont quant à elles été revêtues de granit de différentes teintes et décorées de figures de bronze en fer forgé. Trois ascenseurs ont été installés à l’intérieur. Est également apparu sur le bâtiment un pygargue (du sculpteur Artemi Ober), le poitrail duquel arborait un bouclier avec des étoiles et des rayures, en référence au drapeau américain.
Magazine Zodtchi (Architecte), 1906
Domaine publicL’objet a reçu des critiques mitigées de la part des citoyens. Ils n’ont pas apprécié son aspect progressif et l’ont qualifié à la fois de « flacon de parfum » et même de « dent pourrie dans la mâchoire de la perspective Nevski ». Ce qui gênait également était la violation des normes de hauteur : la tour d’angle en verre avec le globe terrestre est devenue le nouvel élément dominant de l’avenue.
Magazine Zodtchi (Architecte), 1906
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Outre les bureaux de Singer, le bâtiment abritait des banques, la compagnie d’assurance « New York » et des coopératives commerciales. L’immeuble est ainsi devenu l’un des premiers centres d’affaires du pays.
Pendant la Première Guerre mondiale, l’entreprise américaine a été associée à l’Allemagne – en raison du nom allemand de son fondateur – et l’on a même soupçonné ses représentants d’espionnage, bien que la Singer, outre ses activités commerciales, ait cousu des uniformes militaires pour l’armée russe. Afin de supprimer ces associations indésirables, la direction de l’entreprise a loué le rez-de-chaussée au consulat américain en 1917-1918.
Le 20 mars 1917, le consul américain, North Winship, a envoyé un télégramme au secrétaire d’État américain au sujet des événements révolutionnaires à Petrograd (nom alors porté par Saint-Pétersbourg), notant que l’immeuble Singer se trouvait au milieu des fusillades.
« Pendant ces deux jours, les combats autour du consulat ont été violents et, à plusieurs reprises, il a semblé que rien ne pouvait sauver le bâtiment Singer de la démolition totale. Des mitrailleuses étaient vraisemblablement actionnées depuis des points avantageux de ce bâtiment par des agents de police, ainsi que depuis les bâtiments voisins, les révolutionnaires répondant par des volées de leurs fusils et mitrailleuses ».
Winship s’est en outre plaint que malgré la présence de symboles américains sur le bâtiment et d’un aigle sur la façade, le nom de la société allemande avait un effet négatif sur l’opinion publique.
« J’ai dû défendre l’aigle américain au sommet du bâtiment, car on croyait qu’il s’agissait d’un aigle allemand et la foule avait l’intention de le démolir jusqu’à ce que j’explique en russe la différence entre l’aigle américain et l’aigle allemand ».
En conséquence, l’oiseau de l’immeuble Singer a été drapé dans une bannière étoilée, et seul son bec dépassait des plis. Dans les années 1920, il a été démantelé.
En 1918, en raison de l’attaque des Allemands sur Petrograd, les corps diplomatiques étrangers ont été évacués de la ville. Le bureau de représentation de la société y a cependant travaillé jusqu’en 1922 et même après la nationalisation du bâtiment. Elle a simplement dû partager l’immeuble avec des institutions soviétiques, qu’il s’agisse d’éditeurs de livres ou du comité de censure national.
Inauguration de la Maison du livre après restauration en 1948
Domaine publicEn 1919, la Maison du livre, pionnière du commerce étatique de livres dans la ville, a ouvert ses portes aux deux premiers niveaux de l’édifice. Cette institution subsiste encore aujourd’hui, après avoir été fermée pendant seulement trois mois durant le siège de Leningrad et pendant plusieurs années lors de la restauration de cet incontournable monument de la cité.
Dans cet autre article, nous vous proposions, en images, notre top 15 des plus beaux bâtiments de Saint-Pétersbourg.
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